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Voici le temps favorable, voici le jour du salut (Cf.
2 Co 6, 2)
LE CONGO NOUS APPARTIENT
Déclaration du Comité Permanent des Evêques de la RDC
sur la situation politique actuelle
aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté
Conférence Episcopale Nationale du Congo
Préambule
1. Nous, Cardinal,
Archevêques et Evêques membres du Comité Permanent de la CENCO, réunis en
session statutaire à Kinshasa du 31 janvier au 5 février 2005, saisissons
cette occasion pour nous adresser à nos fidèles et aux hommes de bonne
volonté en cette «année électorale», décisive pour notre peuple.
Le moment favorable
2. Le processus de transition
arrivera bientôt à sa fin. Nous voudrions dire à notre peuple qu'il est
venu, le temps favorable (cf. 2 Co 6, 2) de s'engager résolument dans le
chemin de la démocratie,
3. Comme nous n'avons cessé
de le redire, cette transition, qui doit être la dernière, est la voie
privilégiée pour instaurer un Etat de droit, assurer une stabilité
politique et une prospérité durable dans notre pays[1].
Cela permettra au peuple, souverain primaire et source d'émanation et de
la légitimité du pouvoir, de s'exprimer le plus tôt possible par
les urnes sur ses choix constitutionnels et sur les personnes appelées à
le diriger. En effet, tant que persiste la crise de légitimité, il est
superflu de croire à un Etat de droit en RDC.
Signes d'espoir
4. La situation socio-politique
de notre pays offre quelques signes encourageants et de bon augure:
- une prise de conscience grandissante de l'appartenance à une nation;
une opinion publique gagnée à la cause des élections et de la démocratie;
- la forte expression du sens des enjeux nationaux;
- l'audit de la cour des comptes;
- le sens du recours à la médiation en cas de conflits;
- un regain de patriotisme et le refus par le peuple d'une guerre
imposée de l'étranger;
- le Sommet et la Déclaration de Dar-es salaam.
Signes d'inquiétude
5. Ce tableau contraste,
hélas! avec une autre face encore sombre et dangereuse du paysage socio-politique:
- Sur le plan politique et social:
- Nous avons constaté que de nombreux partis politiques sans
idéologie, ne disposent ni de projet de société cohérent et
convaincant, ni de programme gouvernemental;
- des dirigeants politiques ne semblent pas se soucier des intérêts
supérieurs de la nation. Par contre, ils s'illustrent notamment par
des disputes autour du partage de la territoriale et des entreprises
publiques;
- la démission de l'Etat dans les domaines de la santé et de
l'éducation est avérée. De même, nous déplorons la dégradation des
infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aériennes, des
salaires insuffisants et irréguliers. A cause de cette démission de
l'Etat, le taux de scolarité, par exemple, a régressé de 30% en dix
ans! Si on n'y prend garde, c'est tout l'avenir du pays qui est ainsi
compromis. C'est pourquoi, nous réaffirmons qu'il faut supprimer la
prise en charge des enseignants par les parents.
- l'économie a sombré dans l'informel;
- le phénomène des enfants dits «de la rue» a pris des proportions
inquiétantes;
- le nombre de réfugiés et de déplacés de guerre est allé croissant.
- Sur le plan culturel et religieux:
- il est affligeant de constater que la négation des valeurs
authentiques de notre peuple en général et singulièrement le mépris de
la vie humaine sont devenus monnaie courante;
- pis encore, plusieurs compatriotes ont perdu le sens du sacré au
point de se livrer à des actes de profanation des églises et du Saint
Sacrement. De tels forfaits n'honorent ni ceux qui s'y adonnent, ni
ceux qui les commanditent. Ils semblent dénoter la volonté délibérée
de faire perdre au peuple ses repères fondamentaux, tout comme
d'empêcher l'Eglise de se mettre au service de ce même peuple, faute
d'infrastructures sociales et pastorales.
- Au plan sécuritaire, les événements qui se déroulent dans les
provinces de l'est, particulièrement dans le Nord-Kivu et l'Ituri, sont
préoccupants. Des informations persistantes font état de mouvements de
troupes. La population a dû déserter villages et maisons, car elle
redoute le déclenchement d'une vaste opération meurtrière.
Cela signifie que le pays est en danger. Dès lors, aucune attitude
d'irresponsabilité et de démission n'est tolérable!
Le Congo nous appartient !
6. Chers frères et sœurs, le
Congo nous appartient! C'est à nous qu'il revient de le construire. Il y
va de notre dignité et de notre souveraineté. C'est à nous qu'il incombe
de déterminer notre destin, sur la base de l'expérience, du patrimoine
culturel de notre peuple et de l'histoire politique de notre pays depuis
son accession à l'indépendance le 30 juin 1960. Aussi faudrait-il
privilégier avant tout l'expertise nationale et l'intérêt supérieur de la
nation. Le Congo nous appartient ! Nous rappelons à tous les congolais
que les frontières et la souveraineté nationales ne sont pas négociables.
Le peuple refuse la balkanisation du pays, son occupation et
l'exploitation illégale de ses richesses[2].
A chacun ses responsabilités !
Sur base des constatations précédentes, nous rappelons aux différents
acteurs concernés par l'heureux aboutissement de la transition les
responsabilités qui sont les leurs.
7. Nous estimons que le temps
est venu pour que chacun prenne ses responsabilités:
- Parlement: C'est à vous, frères et sœurs
parlementaires, de voter rapidement le budget 2005, censé alléger la
souffrance du peuple, notamment des fonctionnaires de l'Etat;
d'élaborer, dans les délais requis, une Constitution nationale qui soit
spécifiquement congolaise, s'inspirant de notre histoire et répondant au
consensus et aux aspirations profondes du peuple. Il en est de même
des lois organiques destinées à faciliter l'organisation des échéances
électorales. Pour cela, au lieu de vous offrir le luxe de prendre des
vacances alors que la société est en ébullition, il est utile de vous
imprégner d'une culture de travail, de vous faire violence pour répondre
aux attentes de notre peuple.
- Gouvernement: Le rôle d'un Gouvernement dans une
société sortant d'une longue et pénible guerre est décisif. Vous avez, ô
membres du Gouvernement de transition, une lourde charge. Pour le salut
de la nation, en tant que Pasteurs du peuple congolais, nous vous prions:
de hâter l'unification et l'intégration effectives de l'armée; de
manifester par des actes concrets votre volonté politique d'aller aux
élections et de respecter les Accords souscrits en ce qui concerne
la fin de la guerre.
- Communauté internationale: Vous vous êtes engagés à
soutenir la transition en RDC. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Cependant, il vous revient de veiller à ce que votre personnel respecte
l'éthique dans son comportement et agisse de façon telle que
notre peuple reconnaisse votre sincérité dans vos actes, la
transparence dans vos intentions et la générosité dans votre
assistance à la RDC.
- Partis politiques: En plus d'être un signe de la
démocratie dans notre société, c'est à vous que revient le rôle
d'assurer l'éducation civique de vos membres en leur expliquant les
véritables enjeux de la transition et des échéances électorales;
d'initier des débats sur les valeurs de société sous-jacentes à votre
programme politique. Vous êtes gravement coupables si vous manipulez
et intoxiquez le peuple. Pour le bien de celui-ci, nous vous
recommandons de privilégier le dialogue et la négociation comme voies
d'issue de crises; de préserver, en toute circonstance, un climat de
tolérance, de paix, de pardon et de réconciliation.
- Peuple congolais: C'est vous qui avez sauvé l'unité
nationale et l'intégrité de notre territoire. Pour un heureux
aboutissement de la transition, nous demandons de développer une culture
du droit, de la justice et de la légalité; de vous former davantage aux
valeurs républicaines et démocratiques; d'assumer élégamment vos
responsabilités de souverain primaire et de prendre en main le destin de
notre pays, car personne d'autre ne peut s'en occuper mieux que
nous-mêmes. Prenez conscience de nos valeurs sacrées, évitez de vous
adonner au pillage et à la profanation des lieux de culte, des objets
sacrés ainsi que des cimetières, car un peuple qui perd le respect du
sacré court le risque d'ignorer finalement les valeurs fondamentales de
la vie et de la société.
- Agents pastoraux: A vous qui prenez part au ministère
de l'annonce de l'Evangile, nous confirmons la poursuite de l'éducation
civique et électorale pour accompagner le peuple jusqu'aux élections.
Cette tâche doit être accomplie dans le respect d'opinions et des droits.
8. Ces responsabilités qui
sont celles de tous les congolais et de tous les acteurs de la transition
en RDC, nous les soulignons particulièrement à l'adresse de nos fidèles.
Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-14). Que
votre discours et vos actes, ainsi que la vie de nos communautés
chrétiennes éclairent la société et combattent la corruption dans notre
pays. Vous êtes le levain dans la pâte (cf. Mt 13,33) et des artisans de
paix (cf. Mt 5,9).
En conclusion
9. En cette année de
l'Eucharistie, et spécialement pendant ce temps de carême, nous demandons
à nos fidèles de prier le Seigneur Jésus-Christ, Prince de la paix, pour
la paix dans notre pays. A cet effet, ils poseront ensemble, dans les
différentes paroisses, un acte de réparation et de demande de pardon à
Dieu pour tous les crimes commis dans notre pays, pour les profanations
contre le Saint sacrement, les objets sacrés et les lieux de culte. Aussi
avons-nous décrété, pour la quatrième semaine de carême, du 16 au 18 mars
2005, trois jours de jeûne et de prière collective précédés, les 14 et 15
mars, d'une catéchèse sur les dix commandements de Dieu. Que Dieu bénisse
notre pays.
Fait à Kinshasa, le 05 février 2005
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